Symposium 2001/05F

3 July 2001

 

                                                                                                         English and French

 

 

Colloque sur l'examen global de la série de

Recensements de la Population et de l'Habitat de l'an 2000:

Evaluation à mi-parcours de la décennie et perspectives d'avenir

Division Statistique

Département des Affaires Economiques et Sociales

Secrétariat des Nations Unies,

New York, 7-10 Août 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Organisation et Financement des Recensements de la Population en Afrique Subsaharienne :

Problemes et Perspectives *

Lamine DIOP **

 

Mai 2001


1.                  INTRODUCTION

 

Dans le cadre du Programme africain de recensement mis en place par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et grâce à une assistance technique et financière importante du système des Nations unies, notamment du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), un grand nombre de pays d’Afrique subsaharienne ont réalisé leurs premiers recensements de la population au cours des années 1970. Un nombre plus important de pays ont participé aux programmes mondiaux de recensements au cours des décennies 1980 et 1990. Au cours de ces trois décennies un volume impressionnant de données démographiques a été collecté et une expertise dans le domaine de la collecte, du traitement et de l’analyse des données démographiques a été mise en place au sein des instituts nationaux de statistique.

 

L’expérience des dernières années a montré cependant que l’organisation des recensements de la population se heurte de plus en plus à des difficultés financières dont une des conséquences est l’augmentation de l’intervalle de temps (en principe dix ans) qui sépare l’exécution de deux recensements.

 

L’objet de cette communication est de proposer quelques idées pouvant contribuer à trouver une solution au problème du financement des recensements de la population en Afrique subsaharienne.

 

2.                  RAISONS DU COÛT ELEVE DES RECENSEMENTS

 

L’organisation d’un recensement de la population constitue une opération complexe qui nécessite une mobilisation générale de tous les acteurs concernés : les statisticiens et démographes, les autorités politiques et administratives, les bailleurs de fonds et la population toute entière. Elle doit donc être planifiée avec beaucoup de rigueur. Un recensement constitue également une opération coûteuse en raison de son exhaustivité : tous les endroits habités d’un pays doivent être visités et des données nombreuses doivent être collectées dans une période de temps limitée sur l’ensemble de la population.

 

Dans les pays d’Afrique subsaharienne les facteurs spécifiques suivants contribuent à augmenter le coût des recensements :

 

ü      l’insuffisance de la couverture du cadastre et sa non mise à jour régulière ;

ü      le taux élevé d’analphabétisme ;

ü      les lacunes de l’Etat civil ;

ü      les difficultés de communication, notamment le mauvais état des routes ;

ü      l’ampleur des mouvements de population due notamment à l’exode rural ;

ü      les taux encore élevés d’accroissement démographique ;

ü      une planification inadéquate des opérations de recensement

ü      une capitalisation insuffisante des acquis techniques.

 

Certes des progrès notables ont été constatés dans la plupart des domaines mentionnés ci-dessus mais un handicap de taille demeure : la mauvaise planification des opérations de recensement qui se caractérise par le peu d’importance accordé à l’exploitation informatique des données, à l’analyse et à la diffusion des résultats, ce qui se traduit par l’allongement des délais, l’augmentation du coût global des recensements et le faible degré d’utilisation des données produites.

 

Par ailleurs, la trop grande rotation du personnel d’encadrement et la mauvaise organisation de la plupart des instituts nationaux de statistique font que les expériences sont rarement capitalisées. Souvent, lorsqu’un recensement de la population est en préparation dans un pays, on fait comme si c’était le premier. Il arrive même que les données de base du recensement précédent ne soient plus disponibles et qu’il ne reste plus rien des travaux cartographiques antérieurs.

 

3.                  DIFFICULTES RENCONTREES DANS LE FINANCEMENT DES RECENSEMENTS

 

Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction, il devient de plus en plus difficile, dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, de boucler à temps les budgets des recensements de la population.

 

Les principales raisons sont les suivantes :

 

ü      La faiblesse des crédits que les Etats consacrent aux recensements

 

Les programmes d’ajustement structurels qui ont été mis en place pour faire face à la crise économique et financière qui a commencé au cours de la décennie 1980 dans la plupart des pays laissent peu de marge aux budgets des Etats pour financer des opérations statistiques coûteuses.

 

ü      Le désengagement relatif des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux

 

Au cours des décennies 1970 et 1980, le Fonds des Nations unies pour la population a consacré des sommes importantes au financement de recensements et d’enquêtes démographiques en Afrique subsaharienne. C’est ainsi que dans certains pays, le premier recensement de la population a été financé pour l’essentiel par le FNUAP avec une contribution modeste des gouvernements. Après avoir mis l’accent au cours des années 1970 sur la collecte des données démographiques, le FNUAP a changé ses priorités au cours des années 1980 en accordant une place de choix à la santé reproductive, aux interrelations entre la population et le développement et à la sensibilisation à ces problèmes. Dans le même temps, le FNUAP a dû tenir compte des contraintes imposées par ses bailleurs de fonds. Tout ceci a entraîné une baisse de la part relative des fonds destinés à financer les opérations de recensement.

 

Les priorités de certains bailleurs de fonds bilatéraux ont également changé au cours de la période.

 

Alors qu’au cours de la décennie 1970, la plupart des fonds mis à disposition par les bailleurs étaient des dons, certains pays ont dû par la suite, recourir à des prêts pour financer leurs recensements. Ces crédits faisant partie de programmes de développement plus vastes, leur utilisation n’est pas toujours aisée en raison des conditionnalités qui accompagnent ces programmes.

 

Pour boucler les budget des recensements, les gouvernements des pays d’Afrique subsaharienne ont organisé parfois des tables-rondes de bailleurs de fonds qui n’ont pas toujours été couronnées de succès, certaines opérations ne trouvant pas de financement.


Dans ces conditions, certains instituts nationaux de statistique ont dû démarrer les opérations, notamment les travaux cartographiques, sans l’assurance d’avoir les fonds nécessaires pour la suite des travaux, leur objectif principal étant de réaliser le dénombrement de la population, quitte à conserver les questionnaires remplis pendant des mois dans l’attente de financements ultérieurs.

 

Enfin, il convient de mentionner que sous la pression des utilisateurs, les questionnaires des recensements ont tendance à devenir de plus en plus lourds, ce qui entraîne un allongement des délais d’exploitation et, partant une augmentation des coûts des recensements.

 

4.                  SOLUTIONS ENVISAGEABLES

 

Les difficultés de financement des recensements de la population en Afrique subsaharienne ont fait l’objet de discussions à différents niveaux en Afrique et hors d’Afrique.

 

Lors de sa quatrième réunion qui s’est tenue à Bamako en novembre 1998, le Comité de direction d’AFRISTAT avait organisé une session spéciale sur le sujet à laquelle avait pris part le Directeur Général de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economique de la France (INSEE). Plus récemment, le sujet a été abordé dans le cadre d’un groupe de travail du Consortium PARIS21 et la réflexion se poursuit dans l’autres instances, notamment au sein de la SADC pour ce qui concerne les pays d’Afrique australe.

 

Il est vrai que, si des solutions satisfaisantes ne sont pas trouvées, certains pays d’Afrique subsaharienne risquent d’être dans l’impossibilité d’organiser de nouveaux recensements de la population. Il convient donc de bâtir des stratégies pour faire face aux coûts grandissants des recensements de la population en Afrique. Ces stratégies pourraient prendre en compte les éléments suivants :

 

  1. La sensibilisation à la nécessité de poursuivre l’exécution des recensements

 

L’accent mis sur la bonne gouvernance, les politiques de décentralisation et les stratégies de lutte contre la pauvreté, nécessitent la mise à disposition de données démographiques à des niveaux géographiques fins que seuls des recensements de la population peuvent fournir.

 

Compte-tenu du caractère encore rudimentaire de l’Etat civil en Afrique subsaharienne, l’exécution de recensements démographiques à intervalles réguliers (10 ans) reste incontournable. A cet effet, la sensibilisation des autorités politiques nationales et des bailleurs de fonds est une tâche à laquelle les statisticiens et démographes doivent s’atteler. L’élaboration des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté en appui à l’initiative de réduction de la dette offre une opportunité pour une bonne planification des opérations statistiques et pour leur financement.

 


2.      Une meilleurs insertion des recensements dans les activités des instituts nationaux de statistique

 

L’organisation des recensements de la population doit faire partie intégrante des activités des instituts nationaux de statistique. Elle ne doit plus être considérée comme une activité ponctuelle spéciale malgré sa lourdeur et sa complexité. Certaines activités comme les travaux cartographiques devraient constituer une tâche permanente avec une mise à jour régulière des cartes en mettant à profit les nouvelles technologies.

 

  1. Une meilleure planification des opérations de recensements

 

Toutes les activités concourant au succès d’un recensement doivent être identifiées dès le début, leur exécution programmée et leurs coûts chiffrés. Une attention particulière doit être portée à la phase post-dénombrement : saisie des données, tabulation, analyse et diffusion.

 

  1. Une mobilisation efficace et une utilisation rationnelle des moyens disponibles

 

Dans les budgets des recensements, l’achat de nouveaux équipements et notamment de véhicules occupe une grande place. Il devrait être possible, pendant la période du dénombrement qui exige une mobilisation maximale de moyens humains et matériels d’utiliser le parc automobile existant dans les services publics et dans les collectivités locales.

En ce qui concerne les ressources humaines, l’utilisation des enseignants qui sont généralement bien répartis sur le territoire national devrait permettre de réduire les coûts.



  1. L’élaboration des questionnaires

 

Les responsables des recensements de la population devraient résister aux pressions contribuant à alourdir les questionnaires. Certaines données peuvent être recueillies avec plus de détail et de précision lors d’enquêtes post-censitaires. Une attention particulière devrait être portée au dessin du questionnaire pour faciliter la saisie des données recueillies pendant le dénombrement.

 

  1. L’utilisation des technologies nouvelles :

 

Celles-ci doivent être mises en œuvre dans tous les domaines où cela est possible, notamment : la cartographie censitaire, la saisie des données, le traitement informatique et la diffusion.

 

 

5.                  CONCLUSION

 

Cette communication a essayé d’identifier les facteurs qui rendent élevé le coût des recensements de la population en Afrique subsaharienne et de proposer des pistes de réflexion pour l’élaboration de stratégies visant à réduire ces coûts. Comme dans d’autres domaines de la statistique, une bonne sensibilisation, une bonne organisation, une planification rigoureuse des opérations et l’utilisation optimale des nouvelles technologies contribueront à rendre les recensements de la population moins difficiles à financer.



*       This document was reproduced without formal editing.

**     AFRISTAT, Mali.  The views expressed in the paper are those of the author and do not imply the expression of any opinion on the part of the United Nations Secretariat