Symposium 2001/33F

13 July 2001

 

                                                                                                         English and French

 

Colloque sur l'examen global de la série de

Recensements de la Population et de l'Habitat de l'an 2000:

Evaluation à mi-parcours de la décennie et perspectives d'avenir

Division Statistique

Département des Affaires Economiques et Sociales

Secrétariat des Nations Unies,

New York, 7-10 Août 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Contribution française pour le séminaire ONU

sur les recensements *

Guy Desplanques **


Contribution française pour le séminaire ONU sur les recensements

7-10 août 2001 – New-York

 

Guy Desplanques – Insee

 

 

Stratégies pour impliquer les parties concernées dans la conduite des recensements

En France, les projets statistiques font l’objet d’une concertation systématique. Pour mener cette concertation, la France a mis en place le Conseil national de l’information statistique (CNIS). Cette instance rassemble les producteurs et les utilisateurs de données statistiques publiques et tous les projets d’enquête statistique y sont discutés : le CNIS formule des avis d’opportunité, qui portent sur le bien fondé des enquêtes et sur leur utilité. Les modalités de diffusion sont également discutées au sein du CNIS. Une autre instance, « le comité du label », donne des avis sur les méthodes mises en œuvre : elle juge si la méthodologie mise en œuvre est bien de nature à fournir les résultats attendus. Enfin, en application de la loi Informatique et libertés, les projets statistiques sont soumis pour avis à la Commission Nationale Informatique et Libertés, qui est totalement du système statistique public et qui donne des avis portant sur les questionnaires, les traitements et la diffusion des données, avec le souci de préserver la confidentialité.

 

Jusqu’à présent, la décision de faire un recensement est prise par décret[1] : le projet de recensement ne fait donc pas l’objet d’un débat parlementaire et ne s’accompagne pas d’un débat public. La concertation autour d’un recensement est menée à plusieurs occasions : lors de l’élaboration des questionnaires, les projets sont soumis à différentes administrations et discutés dans le cadre du CNIS. La CNIL donne également un avis. La diffusion des données est également largement discutée, d’autant qu’il faut concilier les demandes des utilisateurs (collectivités locales, entreprises, chercheurs) qui souhaitent l’information la plus détaillée possible au plan géographique et le souci de confidentialité, défendu par la CNIL, mais auquel l’Insee est également sensible s’il veut que les opérations de collecte se déroulent dans de bonnes conditions.

 

Dans les recensements français, les communes sont des partenaires très importants. D’une part, les recensements servent en premier lieu à établir les populations légales (officielles) des communes, puisqu’il n’y a pas de registres municipaux en France. D’autre part, les communes sont associées à la collecte de l’information : les agents recenseurs sont recrutés par les maires des communes ; dans les petites communes, ce sont souvent des agents permanents de la commune. Ceci conduit à préparer le recensement en lien étroit avec le ministère de l’Intérieur, qui a la tutelle des communes. Par ailleurs, la France compte plus de 36000 communes, dont la moitié comptent moins de 400 habitants. Cette dispersion crée des conditions qui ne se retrouvent dans aucun autre pays et qui pèsent sur l’organisation des recensements. .

 

Stratégies pour choisir parmi les méthodes de collecte de données socio-démographiques

Pour déterminer les questions qui seront posées lors d’un recensement , l’Insee obéit à des règles assez simples. Tout d’abord, l’opération doit rester légère en termes de questionnements pour les habitants. Les documents sont donc d’un volume limité : la feuille de logement fait quatre pages, le bulletin individuel est une feuille A4 recto-verso. L’arbitrage entre les demandes des différents organismes qui souhaiteraient introduire des questions nouvelles se fait sous cette contrainte. Un second souci est celui de la continuité : il conduit à éviter des évolutions trop fortes des questionnaires. Dans les discussions permettant de résister aux pressions tendant à accroître le nombre de questions, le fait que les individus remplissent eux-mêmes leur bulletin est également important : les questions doivent rester simples et compréhensibles par tous.

 

Elles doivent aussi pouvoir être exploitées sans difficultés. En France, l’apport d’un recensement par rapport aux autres pièces du système statistique est surtout de fournir des données locales : au niveau national, les enquêtes par sondage sont nombreuses. Les sources administratives portent souvent sur des champs spécifiques et les informations qui y sont présentes ne peuvent pas être rapprochées au niveau individuel.

 

L’ancienneté des données issues d’un recensement est un problème important, d’autant plus que les dates des recensements ne sont pas connues à l’avance. Les données ne peuvent pas toujours être utilisées avec profit dans des exercices préliminaires à la mise en place de plans d’aménagement.

 

C’est une des raisons fortes qui justifient le projet actuel de recensement tournant, qui devrait permettre de disposer chaque année de données détaillées ayant une ancienneté de moins de trois ans, ceci sans accroissement, en moyenne annuelle, du budget consenti pour le recensement. Ce projet s’appuiera davantage sur les sources administratives, utilisées pour connaître des évolutions annuelles alors la méthode tournante s’appuie sur une collecte dans une zone tous les cinq ans.

 

Recours aux nouvelles technologies pour les opérations de recensement

De plus en plus, l’Insee fait appel à la sous-traitance pour prendre en charge certaines tâches, soit parce que ces tâches relèvent de compétences spécifiques, soit pour résorber des pointes de charge de travail et ne pas retarder la disponibilité des résultats. Ces deux raisons valent pour le recensement. Le recours à des façonniers a eu lieu pour la première fois pour le recensement de 1982 : les effectifs de l’Insee et les règles de recrutement de la Fonction publique ne permettaient pas de réaliser le travail en interne dans un délai suffisant, compte tenu des autres travaux menés par l’Insee.

 

En 1999, l’Insee a recouru à la saisie optique des documents. Ce choix a été fait sur des considérations financières, après examen des risques liés à une technologie jusque là peu appliquée à des masses aussi importantes. Un des problèmes importants liés au recours à la sous-traitance est le respect de la confidentialité, avec des bulletins nominatifs qui sont confiés à des entreprises externes. Il est indispensable d’assurer la sécurité dans les locaux où se font les traitements, mais aussi lors des transports de documents. Cette question peut à l’avenir poser des problèmes juridiques importants. L’importance du marché de saisie optique oblige aujourd’hui à faire des appels d’offre européens et expose au risque que les documents soient traités dans des pays étrangers, rendant difficile la vérification du respect de la confidentialité des données.

 

Lors du recensement de 1999, l’Insee a utilisé de façon assez systématique le codage automatique, après saisie des libellés, pour des variables collectées sous forme de libellés. Cette procédure est à la fois source importante d’économie en termes de moyens et de qualité, dans la mesure où elle assure une meilleure homogénéité des traitements.

 

Poursuivre des activités en lien avec les recensements au cours de la période intercensitaire

En France, la durée qui s‘écoule entre deux recensements est variable. L’Insee doit discuter avec le Budget pour déterminer une date de recensement. Ceci ne facilite pas la préparation, car on ne sait que peu de temps à l’avance quand aura lieu le prochain recensement. La périodicité moyenne (sept à neuf ans) est assez défavorable à une bonne capitalisation des acquis. D’une part, elle est trop longue pour que l’on puisse penser au recensement qui suivra celui qui est en cours de préparation. Elle est longue au regard de la mobilité des personnels, politique que l’Insee favorise depuis quelques années : presque la totalité de l’encadrement a changé entre deux recensements. Elle est trop longue aussi en matière d’applications informatiques : les matériels, les infrastructures, les logiciels évoluent rapidement et il faut repartir de rien ou presque à chaque recensement. Notons cependant que l’Insee utilise depuis 25 ans un logiciel adapté au traitement des enquêtes pour la phase de tabulation, faute d’un outil qui soit meilleur sur tous les plans.

 

Par contre, l’intervalle est court quand on veut préparer des évolutions fortes, surtout si elles ont des implications pour l’extérieur : modalités de collecte, mise au point des questionnaires. Le temps manque pour les tester. Ainsi, en 1999, a été ajoutée une question qui ne pourra pas être conservée car elle s’avère inexploitable. Cependant, il n’est pas sûr qu’une préparation plus longue empêcherait toujours ce type de difficulté.

 

Sachant que les recensements sont une des rares sources permettant des analyses sur le long terme, on peut considérer que le soin consacré à l’archivage est trop réduit, faute de moyens et aussi parce que cette tâche essentielle n’est pas bien reconnue.

 

Identifier et résoudre les problèmes de cartographie de recensement

Jusque vers 1990, la cartographie était d’abord un outil de production, destiné à préparer des plans pour faciliter le travail des agents recenseurs ; le travail pour constituer cette cartographie était donc ponctuel, intervenant juste avant le recensement. Elle était en grande partie manuelle, avec recours à des plans fournis par les services fiscaux qui gèrent les propriétés.

 

Avec la mise en place de systèmes d’information géographique et le développement des logiciels de cartographie, les besoins d’information à un niveau géographique fin se sont rapidement accrus, d’autant que la décentralisation donnait des pouvoirs plus étendus aux collectivités locales.

 

L’Insee s’est donc tourné vers la cartographie numérisée, du moins dans les communes importantes (en gros communes de plus de 10000 habitants, ce qui couvre la moitié de la population française). Ceci a été fait pour le recensement de 1999, l’outil étant essentiellement destiné à la production et à la diffusion du recensement. Actuellement, l’outil de production cartographique évolue pour prendre en compte d’autres besoins : géocodage de fichiers comportant des adresses, permettant la production de données issues d’autres sources que le recensement pour des quartiers.

 

L’évolution devrait se poursuivre pour assurer une plus grande cohérence avec les systèmes géographiques gérés par des services publics (dans les concepts, dans la précision géographique). Dans ces conditions, la gestion des infrastructures géographiques est désormais séparée de la réalisation des recensements, même si elle est restée dans le département de la démographie. En particulier, sa gestion se fera en continu. Toutefois, à l’avenir, le recensement ne sera pas seulement un client de la cartographie. Il sera aussi fournisseur, par les informations relevées lors des campagnes de collecte.

 

Les enquêtes post-censitaires valent-elles la peine ou non ?

A deux reprises dans le passé, l’Insee a réalisé une enquête post-censitaire : 1962 et 1990. Elle était d’abord destinée à mesurer le taux d’omission et le taux de doubles comptes, mais elle devait aussi permettre de mesurer la qualité des réponses obtenues par la méthode du dépôt-retrait, par rapport à une collecte par enquêteur. En ce qui concerne l’exhaustivité, ces deux enquêtes ont abouti à des taux assez voisins. En 1990, le taux d’omission mesuré était de 1,8 %, tandis que 0,7 % de personnes avaient été comptées deux fois à tort. En 1999, il n’y a pas eu d’enquête post-censitaire.

Sur le plan pratique, la mise en œuvre d’enquêtes post-censitaires soulève des problèmes importants. Comme il n’existe pas de base de logements en France, la base de sondage ne peut être qu’aréolaire. En 1990, l’Insee avait utilisé la base de sondage d’aires constituée pour l’enquête Européenne sur les forces de travail et l’enquête avait porté sur environ 20000 logements. Un tel échantillon constitue déjà une grosse enquête et nécessite des moyens importants difficiles à mettre en œuvre juste au moment où le personnel des directions régionales de l’Insee est fortement mobilisé pour achever les opérations de collecte du recensement. S’ajoutent des problèmes liés à la mobilité qui intervient entre la date de recensement et l’enquête : en un mois, environ 0,7 % de logements changent d’occupants. En outre, il n’est pas assuré que l’enquête va permettre de toucher toute la population, même avec des enquêteurs confirmés : les problèmes d’accès physique aux bâtiments et les problèmes de double résidence se posent également.

 

L’intérêt de l’enquête n’est pas seulement de fournir un taux d’omission ou d’omission nette pour l’ensemble de la France. Il est plus encore de fournir des taux différenciés selon la zone pour, éventuellement, corriger les données. Avec une enquête aréolaire, telle que celle de 1999, il n’est pas possible de fournir des résultats pour des zones ou des populations de trop faibles effectifs. Une telle perspective n’a jamais été envisagée en France. Dans ces conditions, la correction des données n’est pas possible et l’enquête n’a qu’un but méthodologique.

 

La communication autour des résultats d’une enquête post-censitaire fait débat. D’un côté, l’affichage de l’erreur commise peut être apprécié comme une marque de transparence et donner des éléments pour expliquer que certaines données ne reflètent pas la réalité. De l’autre, il peut engendrer un sentiment de défiance envers les statistiques. Lors de la présentation des résultats du recensement de 1999, l’affichage d’une certaine imprécision, appuyé sur l’enquête menée en 1990, a plutôt facilité la communication des résultats du recensement et des analyses socio-démographiques qui en découlaient.

 

Le projet de recensement rénové repose différemment la question des enquêtes post-censitaires. Il oblige à intégrer de manière régulière un processus de mesure de la qualité et les résultats, au moins dans les grandes communes, seront corrigés des biais liés aux omissions ou aux doubles comptes par la méthode elle-même.

 

 



* This document was reproduced without formal editing

** Insee, France. The views expressed in the paper are those of the author and do not imply the expression of any opinion on the part of the United Nations Secretariat

[1] Actuellement, il n’y a pas de loi prévoyant l’organisation du recensement. Ceci va changer avec le projet de recensement rénové, qui fait l’objet d’un projet de loi en cours de discussion à l’Assemblée.